Mise en place d’une forêt fruitière
A partir d’une friche
Cet article a pour but de donner quelque points clefs pour aborder la friche sans faire de bêtises, et y instaurer progressivement une forêt fruitière !
Avertissement – Tout ce que nous écrivons dans cet article est l’aboutissement de notre propre expérience, de nos échanges et de nos lectures, dans un contexte environnemental qui est le nôtre : la vallée de l’Hérault, au climat méditerranéen chaud et sec l’été, qui subit de violents orages à l’automne. C’est donc notre expérience dans notre contexte que nous partageons : il existe bien entendu d’autres manières d’aborder la friche et aucune n’est meilleure qu’une autre. Bref, comme toujours : PAS DE DOGME !
Qu’est-ce que c’est qu’une friche ?
Une friche est un moment magnifique dans la succession écologique d’un paysage : nous ne sommes plus à l’état de prairie, les ronces se sont installées depuis un petit moment et elles ont offert à de nombreux animaux un abri, de la nourriture et une protection. Ces animaux, grâce à leurs excréments, viennent compléter la quantité astronomique de graines déjà présentes dans le sol, en y ajoutant surtout un nouveau type de végétaux : les arbres. La friche est l’état de transition avant la forêt : la « canopée » qui commence à se former permet un début de différenciation climatique. La croissance et la germination des herbacées diminue, d’autres plantes plus grandes viennent les remplacer comme les ronces, les églantiers ou encore les genêts. Cette végétation plus dense va pouvoir protéger les jeunes plantules d’arbres qui ne résisteraient pas seules en plein soleil et le sol s’est assez enrichi pour les nourrir car la matière organique s’y est accumulée pendant des années. A l’ombre des ronciers commence à pousser une première série d’arbres : les frênes, les aubépines, les poiriers et pommiers sauvages, les pins, l’ailante japonaise, les robiniers…. La forêt arrive, mais nous n’en sommes pas encore là !
Contexte
Chez nous, la friche est composée principalement de frênes, ainsi que des aubépines et des prunelliers en abondance. De nombreuses espèces fruitières sont aussi présentes : on y a répertorié une cinquantaine de poiriers sauvages, quelques pommiers, et, peu nombreux, des cerisiers et pruniers sauvages.
Nous avons progressivement instauré notre forêt fruitière en combinant 3 méthodes : la greffe, la plantation d’arbres et le semis d’arbres.
La greffe
Après avoir repéré nos différents porte-greffes, nous avons multiplié les essais de différentes greffes. Nous avons d’abord greffé des poiriers et nashis sur nos poiriers sauvages : une trentaine ont déjà été greffés (une dizaine en 2015 et une vingtaine en 2016) et beaucoup sont à un état de maturité assez élevé pour la fructification.
Cette année, nous avons tenté plusieurs sortes de greffes sur les aubépines : azérolier, sorbier torminal et sorbier domestique, néflier d’Allemagne et néflier du Japon.
Quant aux prunelliers, après quelques tentatives concluantes en y greffant du prunier, nous avons continué l’expérience en greffant des bosquets entiers de prunelliers avec diverses variétés de prunes pour y conduire un micro verger de pruniers. Nous ne pensons pas que la durée de vie et la production de chaque individu sera énorme mais des bosquets entiers de prunelliers sur 30m² pourraient facilement atteindre la même production qu’un vieil arbre d’une cinquantaine d’années et la récolte devrait en être plus facile, étant donné que les arbres resteront de petites tailles.
Afin de diversifier la production fruitière, nous implantons aussi de nouvelles variétés d’arbres, de deux manières différentes : via des arbres de pépinière, et via du « semis direct ».
Le semis direct
Le semis direct que nous faisons n’est en fait pas tout à fait direct. En effet, les tentatives de semis direct selon la méthode Paul Moray (cf la méthode ICI) ont été un échec : tous les semis se sont faits dévorés par un blaireau qui a compris que sous chaque bouteille se trouvaient de délicieux noyaux. Nous avons donc développé une autre méthode, inspirée de celle de Paul Moray : nos noyaux de fruits mangés en été et automne sont semés dans un endroit réservé à cet effet, sur des buttes de terre plutôt sableuse, et à l’abri des blaireaux. L’année suivant le semis, le pivot peut s’accroitre rapidement, et nous les replantons au début du printemps dans un trou fait à la barre à mine, en y faisant plonger le pivot que nous avons pris soin de déterrer sans abîmer. Nous obtenons ainsi de très bon taux de réussite à implanter ces très jeunes arbres, et ce sans entretien ultérieur.
La plantation d’arbres de pépinière
Les arbres de pépinière sont beaucoup plus difficiles à implanter : ils souffrent en plein été sous notre climat et demandent un arrosage conséquent. La ressource en eau nous ayant jusqu’alors été limitée en plein été (l’eau disponible étant celle du ruisseau, presque à sec l’été), il était fastidieux d’entretenir plus de 10 arbres en plein temps caniculaire en étant loin du point d’eau. Nous avons donc décidé de planter les arbres fruitiers au milieu de la friche, c’est-à-dire à mi-ombre, afin d’en limiter l’entretien. L’idée est venue lorsque, la première année d’acquisition du terrain, 5 plaqueminiers de pépinière ont été plantés en courbe de niveau, lesquels étaient dans une friche de plus en plus dense. La première année, l’arbre le plus exposé au soleil a dépéri malgré les efforts pour l’arroser, alors que ceux plus à l’ombre dans la friche ont plutôt bien survécu avec très peu d’arrosage. L’année d’après, le deuxième plaqueminier le plus exposé est mort à son tour et ceux plus à l’ombre s’en sont très bien sortis et sont aujourd’hui en forme.
L’expérience a été réitérée sur une autre partie de du terrain avec d’autre essences : pruniers, abricotiers, amandiers, cerisiers, mûriers… A part les cerisiers, les arbres ont tous résisté à la sécheresse particulièrement aride l’été dernier. Il faut noter que les cerisiers sont réputés pour ne pas aimer l’ombre : nous en concluons que c’était la raison de l’échec de cette expérience.
En plantant des arbres de pépinière dans une friche bien dense, on récrée les conditions de naissance de l’arbre en milieu sauvage : à l’ombre d’un roncier (ou autre pré-friche), dans une terre riche et sans phénomène d’allélopathie négative. Par contre, les arbres de la friche pousseront plus vite que le fruitier si rien n’est fait : il faut donc éclaircir la friche au fur et à mesure que les arbres fruitiers grandissent et s’implantent.
Résumé
Pour résumer, nous implantons notre « forêt fruitière » avec une diversité d’actions :
- en nous appuyant sur les nombreuses essences de fruitiers sauvages qui nous servent de porte greffe
- en complétant la diversité des essences avec du semis direct
- en atteignant une production plus rapidement par l’implantation d’arbres de pépinière dans la friche
Bien sûr, un verger va de pair avec certains entretiens, soit par des humains soit par des animaux… mais ceci fera l’objet d’un prochain article !
Emilie et Clément pour les Humus Pays d’OC