Finissons en avec les idées reçues sur la permaculture
démystifions la permaculture en théorie et pratique
Dans les pays anglo-saxons, la permaculture est très développée et connue depuis plus longtemps. Il existe énormément de bouquins sur le design en permaculture en Anglais. En France, si aujourd’hui les étals des librairies sont recouverts de livres sur la permaculture, ce n’est que fait récent et la permaculture est souvent comprise en fonction de ce que chacun a pu lire ou entendre par ci par là, mais ce n’est pas avant tout une méthode de design comme dans les pays anglo-saxons. En France au final on connait peu la permaculture, laquelle reste un état d’esprit et du bon sens, appliquée par chacun selon ce qu’on a compris de près ou de loin, ce qui donne libre court à des interprétations parfois saugrenues ! Voici un petit top des mythes sur la permaculture que j’entends régulièrement, et voyons ce qu’on peut en comprendre et en faire…
Quelques mythes courants à propos de la permaculture
CITATIONS DE MYTHES | INTERPRÉTATION |
« La permaculture c’est des chevelus / une secte d’illuminés » | La permaculture vue comme un truc réservé à une certaine catégorie de personnes |
« J’ai lu plein de bouquins sur la permaculture et franchement les maraichers bio ils n’ont rien compris, pas étonnant qu’ils galèrent » | La permaculture méprisante |
« Mon banquier ne croit pas à la permaculture » | La permaculture comme foi |
« La mairie recherche un maraicher en permaculture pour alimenter les cantines scolaires » | La permaculture comme forme d’agriculture |
« On a une toute petite surface mais avec la permaculture ça va cracher » | La permaculture comme méthode révolutionnaire hyper productive |
« Je fais de la permaculture, j’ai fait des buttes dans mon jardin » ou encore « je fais de la permaculture, je mets du BRF ou de la paille » | La permaculture comme méthode de jardinage |
« La permaculture, c’est laisser faire la nature » | La vision romantique de la permaculture OU la permaculture comme un truc de fainéants |
OK mais alors c’est quoi la permaculture ?
Si on doit retenir une chose de ce présent article, c’est que la permaculture est une démarche et non un état : dire qu’une ferme EST en permaculture ce serait comme dire qu’une maison est en architecture. Il n’existe pas de cahier des charges propre à la permaculture, ce n’est pas un ensemble de bonnes pratiques.
Pour mieux comprendre ce qu’est la permaculture, il faut comprendre pourquoi elle a émergé et quelle était son but. La notion de permaculture a émergé dans les années 70 au moment de la première crise pétrolière, proposant des méthodes d’aménagement des paysages et des groupes sociaux qui se passent au maximum de l’utilisation d’énergies fossiles. En terme d’agriculture, elle propose de délaisser la monoculture, fortement dépendante de ces énergies, au profit de systèmes étagés (plusieurs paliers selon la taille des végétaux) utilisant des arbres et des cultures pérennes productifs et utiles, remplaçant progressivement les cultures annuelles. Le livre fondateur du mouvement de la permaculture, « A designer’s manual » de Bill Mollison, était un manuel qui apportait des propositions pour réparer la terre, une véritable boîte à outil, vaste et encyclopédique, pour restaurer la planète.
Dans son Manuel de Transition, Rob Hobkins explique que, pendant les années suivantes dans les pays anglo-saxons, « la permaculture a été perçue dans l’imaginaire collectif comme une méthode bizarre de jardinage utilisant des pneus de voiture et d’obscures plantes dont personne ne voudrait pour le dîner ». Autrement dit, à chaque mouvement naissant ses balbutiements de départ. La France, où la permaculture est plus récemment connue, est aussi en train de connaître des erreurs d’interprétation. La permaculture à la française est avant tout un état d’esprit avec une vision globale, du bon sens et des principes qu’on a en tête, mais le design est souvent secondaire.
La permaculture en pratique
La permaculture est, au-delà de la vision du monde qui la sous-tend, un outil qui conceptualise du bon sens. Le zonage par exemple, qui consiste à spatialiser des zones selon la fréquence et l’intensité d’intervention qu’on va y consacrer fait penser aux motifs traditionnels de l’organisation de nos paysages français où l’on retrouvait l’ager qui est la zone cultivée autour de la maison, le saltus qui est l’espace semi-naturel avec de la prairie et des animaux, et au-delà, la silva qui est la forêt où on prélevait du bois, des champignons, mais qu’on fréquentait dans tous les cas plus rarement. Autrement dit, la permaculture n’invente rien, elle donne des outils de bon sens, combinant savoirs ancestraux et outils plus modernes ; elle a cette force de donner un cadre pour concevoir des systèmes efficaces et éviter bien des erreurs, et c’est ce qui fait sa force.
Beaucoup de personnes ont une vision idéaliste de la permaculture car souvent ils n’ont pas pratiqué. De fait, et à juste titre, les personnes qui ont les mains dans le cambouis ne corroborent pas ce discours. Cette vision plus idéale de la permaculture que ce qu’elle n’est réellement la discrédite aux yeux de beaucoup de pratiquants… et c’est bien dommage !
La permaculture en théorie
Une définition de la permaculture pourrait être la suivante : « la permaculture est un cadre conceptuel organisateur qui utilise la pensée systémique et des principes de design pour concevoir des paysages durables qui imitent les motifs et les relations observées dans la nature afin de répondre aux besoins locaux en alimentation, énergie, fibres et aux autres besoins matériels et immatériels ». Autrement dit, la permaculture est avant tout un cadre de pensée, qui intègre cette notion de design et de principes théoriques que sont l’importance de l’observation, le placement intelligent d’éléments les uns par rapport aux autres selon leur fonction, le zonage, l’association des productions (polyculture élevage), le non labour du sol et sa couverture, l’idée de microclimats, la valorisation du travail manuel pour limiter la dépendance au pétrole, l’accueil de la biodiversité, l’utilisation de plantes pérennes, etc.
En conclusion
Je citerais Kévin Morel qui a fait une thèse sur le maraîchage biologique revendiqué de la permaculture et sa performance économique qui dit « La permaculture c’est un bon canoé qui ne vole pas ! ». Autrement dit, il ne faut pas aller au-delà de ce qu’elle peut apporter. La permaculture est une façon de voir et de faire comme une autre, elle est très inspirante pour certaines personnes (dont nous !), mais certaines personnes s’en sortent très bien sans permaculture. La permaculture est ce qu’elle est, et il n’y a pas besoin d’être pour ou contre. Elle n’est ni un miracle, ni une arnaque, c’est simplement un ensemble de ressources intellectuelles et humaines que peuvent mobiliser des paysans dans la conception et la gestion d’un système complexe.
Émilie
Humus Sapiens pays d’Oc, le réseau de permaculture de l’arrière pays de Montpellier