La forêt, cœur des systèmes vivants


La forêt, le coeur des systèmes vivants

L’aboutissement de la construction biologique

Ce qui rassemble les Humus Pays d’Oc, c’est leur volonté de participer à la transition et d’intégrer un réseau local de motivés qui œuvrent en faveur de la transition vers des territoires plus durables, autonomes et résilients.

Dans cet article, je souhaite parler des forêts, qui sont le cœur des systèmes vivants, et en quoi elles sont l’aboutissement de la construction biologique, en tant qu’entité autonome d’être vivants à de multiples échelles, du plus microscopique organisme, aux plus grands êtres de la forêt, qui en sont par ailleurs les piliers, à savoir les arbres.

Dans cette première partie, je souhaite parler de ce que peut évoquer symboliquement la forêt et de la place qu’elle occupe dans l’esprit des permaculteurs (et autres amoureux de la forêt !)

  • La symbolique de la forêt et de l’arbre de vie en permaculture

La forêt est le lieu de vie de nombreux êtres vivants. On y trouve les grands animaux, les oiseaux qui nichent dans les branchages, les écureuils qui se réfugient et détalent à toute vitesse tels des virtuoses de l’escalade sur les écorces. Mais également de plus petits êtres vivants, tels les termites, véritables décomposeurs de bois ou encore les fourmis qui participent également au grand nettoyage de la forêt ; puis des êtres invisibles, car enfouis sous terre, notamment les vers de terre, les collemboles, les nématodes, les cloportes et autres ! Il y a également la communauté des champignons, qui viennent en deuxième position après les insectes en ce qui concerne le nombre d’espèce : les scientifiques ont pu recenser jusqu’à 1000 variétés de champignons au sein d’une forêt. Bref, la forêt est l’écosystème le plus riche, le plus complexe, le plus abouti qui existe sur Terre, il est donc fondamental de protéger les forêts. On n’en prend guère la voie quand on constate l’industrie qui règne sur la forêt amazonienne pour l’exploitation du bois et le défrichage pour la mise en culture. La zone 5 prévue dans les designs de permaculture offre l’opportunité de laisser aux écosystèmes toute leur place : la permaculture permettrait d’aboutir à une coopération entre humains et nature.

La forêt est un symbole de vie, d’abondance, de par le nombre d’espèces qui y vivent et par la possibilité pour ces êtres vivants de se nourrir et de se protéger. L’arbre de vie, en permaculture, se scinde en deux parties :

– Une partie aérienne, qui symbolise l’ouverture sur le monde, l’épanouissement personnel, la joie de vivre, l’échange avec l’extérieur

– Une partie souterraine, qui reflète plutôt notre fort intérieur et les émotions intimes qui nous traversent. C’est aussi la partie qui nous connecte directement à la Terre et la terre. Platon écrivait à propos de l’homme : L’homme est une plante céleste, ce qui signifie qu’il est identique à un arbre inversé, dont les racines tendent vers le ciel et les branches s’abaissent vers la terre.

Enfin, il y a également une notion protectrice dans la forêt, de terrier, de nid pour tous les êtres vivants, chacun y a sa place, et un équilibre stable y est installé durablement (si l’on ne vient pas le perturber à tout moment comme aiment le faire les Hommes !)

  • L’arbre, le pivot central du fonctionnement de la forêt

L’arbre avec ses racines profondes fragmente le sol et, en augmentant la perméabilité du sol, offre la possibilité à de nombreux êtres vivants souterrains de se nicher dans les recoins obscurs du sous-sol. Un arbre en forêt met très longtemps à pousser, notamment de par la concurrence forte, « la course à la lumière », car l’épaisse canopée absorbe 90% des rayons lumineux, ce qui rend difficile la croissance des nouvelles recrues ! Mais tout est prévu afin que, sur tous les glands produits par les arbres chênes mères, ou encore les faînes des hêtres, un unique remplaçant prenne la place d’un vieil arbre défunt. Pendant que les arbres mères mènent leur vie, ils étendent leurs systèmes racinaires et aériens, formant une étendue rhizosphère et une canopée. Certaines espèces d’arbres refusent à se toucher entre-elles. On parle d’affinité plus ou moins forte entre les espèces, et on observe alors de minces filets de lumières qui circulent entre les limites des feuillages des différents arbres. Les arbres mettent en place d’harmonieuses et complexes symbioses avec les mycéliums de champignons, ce qui leur permet d’échanger des éléments rares récoltés par le vaste réseau qu’ils forment, et en échange, de fournir aux champignons des précieux sucres issus de la photosynthèse. Certains arbres ont même développé des affinités très particulières avec certains champignons, comme le chêne avec le lactaire tranquille. De plus, ces associations permettent aux arbres de capter jusqu’à deux fois plus d’azote et de phosphore !! Les réseaux de mycélium ont une telle capacité à s’étendre qu’ils sont considérés comme les plus grands organismes connus (Dans l’état de l’Oregon, aux Etats-Unis, un mycélium couvre une surface de 900 hectares, pèse 600 tonnes et aurait environ 2400 ans !). Concernant le réseau entre les arbres, on parle parfois de « colonie clonale », car certaines forêts forment un vaste réseau d’une même espèce, comme cette colonie de peupliers faux-trembles situés dans l’Utah, également aux Etats-Unis.

On observe également des phénomènes de greffage par approche entre les arbres, c’est un phénomène répandu, qui a inspiré l’homme et qui lui a permis de multiplier facilement les sujets intéressants en développant des techniques de greffage.

Bref, la forêt regorge de phénomènes à la fois surprenants et passionnants.

Les arbres sont une source d’alimentation majeure pour les animaux et insectes, car ils fournissent des feuilles en abondance dont se délecteront chevreuils, biches, mais également des fruits et des graines, qui régaleront nos amis les oiseaux. Ils offrent des abris pour les écureuils, les chouettes, les hiboux… Grâce à la symbiose avec les mycéliums, des champignons comestibles poussent dans les forêts à condition que le temps ait été suffisamment humide en fin d’été. Ces champignons sont un festin pour les sangliers, et tout un inventaire d’animaux gourmands ! Enfin, au cours de sa vie, l’arbre peut perdre des parties de son corps, composée de bois (lignine et cellulose). La cellulose est une chaîne de sucre relativement longue qui peut être consommée par des insectes (termites par exemple), et la lignine, qui est aussi une chaîne de sucre, mais beaucoup plus longue, nécessite l’intervention de champignons décomposeurs. Le bois est alors décomposé sous forme d’humus, terreau fertile et idéal pour les futures plantules qui vont s’implanter là. Voilà qui contribue joliment à la biodiversité !

En conclusion, l’arbre est le pivot central d’un biotope complexe riche en échanges, dynamique et cyclique.

  • Les forêts dans le monde

A travers le monde, il existe des multitudes de climats différents, et cela induit une grande variabilité en écosystèmes. Même à l’échelle d’un pays, on observe de grandes variations dans la biodiversité, et notamment en ce qui concerne les forêts. En France, on observe majoritairement des forêts de chênes, de hêtres, mais également de sapins lorsqu’on monte en altitude, sur les plateaux ou les massifs montagneux. On peut également noter la présence importante des châtaigniers dans des territoires comme les Cévennes ou des pins dans la région méditerranéenne. D’autres nombreuses espèces participent à cette biodiversité, par exemple, j’ai pu observer au fil de randonnées pyrénéennes la présence importante des noisetiers le long des vallées menant aux massifs montagneux. Dans notre département, c’est le chêne vert qui est très présent. Autrefois, les chênes pubescents à feuilles caduques dominaient, mais des prélèvements très importants de bois par l’Homme ont conduit au renouvellement de ces forêts primaires, qui sont désormais des forêts qualifiées de « secondaires » en ce sens qu’elles sont moins « abouties » au sens du biotope naturel originel. Notre climat très doux en hiver et généreux en soleil toute l’année a conduit les végétaux à développer la persistance végétative, qui leur permet de capter les rayons lumineux toute l’année, bien qu’ils aient une activité photosynthétique fortement réduite en hiver.

Les forêts sont des actrices écologiques majeures en ce sens qu’elles ont à la fois un rôle de tampon climatique et de renouvellement de l’oxygène sur la planète. D’ailleurs, le très controversé dioxyde de carbone est un de leur carburant essentiel pour réaliser la photosynthèse, et certaines études montrent que l’accroissement de CO2 dû aux activités humaines induirait un développement plus important des forêts… Ce phénomène surprenant est bien malheureusement un des seuls effets vertueux de ce gaz !

Les forêts que l’on qualifie de « primaires » sont des forêts préservées de l’exploitation forestière, qui évoluent sans l’homme, bien qu’elles subissent forcément une pression liée aux changements climatiques dans certains endroits du globe. Par exemple, au Kenya, des forêts primaires déjà naturellement sèches souffrent fortement de la sécheresse. Il n’empêche que ce sont des forêts d’une qualité rare et où pullule une biodiversité remarquable, sans commune mesure avec nos forêts. Cette biodiversité est bouleversante de beauté, de magie et de symbiose. Certaines forêts tropicales sont également des forêts primaires, elles aussi plus ou moins préservées. En Amazonie, on observe des phénomènes très particuliers dans les forêts tropicales. Les arbres ont notamment la capacité d’induire des averses de pluie afin de maintenir le niveau d’humidité à un seuil très important : il réalise ce miracle avec un astucieux procédé, en effet, ils dégagent un gaz qui se fixe aux micro gouttelettes d’eau, et le mélange résultant, plus dense, tombe par gravité. Mais avec la déforestation, de grandes surfaces s’assèchent et ce manque d’humidité induit des phénomènes de sécheresse, qui sont catastrophiques pour ces forêts, qui ont besoin d’une humidité constante pour maintenir cette vie permanente et abondante qui y règne.

  • Mécanismes à l’œuvre dans la forêt et mise en place d’un climax*

Il est un phénomène très intéressant dont je n’ai pas encore vraiment discuté, c’est la création de la forêt. C’est quelque chose que l’on peut observer en maints endroits, mais qui n’est pas évident à voir correctement dans le temps si l’on ne l’observe pas régulièrement. Il peut nous arriver de passer dans un lieu, et quelques années plus tard, en revenant, de s’étonner du développement de la biodiversité et de l’installation d’une jeune forêt.

Il existe deux types de forêts :

– Les forêts plantées, qui sont des exploitations forestières et où la dynamique forestière et notamment le développement des symbioses avec les mycéliums n’ont guère le temps de s’implanter durablement.

– Les autres forêts, primaires ou secondaires sont les plus intéressantes. La forêt primaire est la forêt qui a atteint l’équilibre le plus abouti, le climax. Ces forêts mettent au moins sept cents ans (d’après Francis Hallé) et elles succèdent aux forêts secondaires. Les forêts secondaires sont des forêts naturelles en ce sens que l’homme n’induit pas des espèces en particulier sur ces zones déforestées. La forêt secondaire succède à la forêt pionnière. La forêt pionnière est une forêt composée d’espèces pionnières d’arbres, qui poussent très vite, mais qui succombent rapidement. En effet, ils ne prêtent pas le temps de se protéger et sont donc très vulnérables à la faune qui va venir dévorer ses parties aériennes, telles les chenilles. La forêt secondaire est donc constituée d’essences qui vont être beaucoup plus « armées » en terme de protection contre les prédateurs, et cette forêt va vivre très longtemps. Cependant, tôt ou tard, les arbres vont mourir et peu à peu, de nouvelles espèces, bien adaptées au climat propice de la forêt, vont naître. Ces nouvelles essences vont constituer la future forêt primaire.

Je vous conseille de visionner le documentaire « Il était une forêt » de Francis Hallé qui raconte la magnifique épopée des forêts primaires d’Amazonie.

Ce qui est très intéressant, c’est de pouvoir observer les forêts se former. Tout d’abord, on imagine un sol nu, retourné, après un abandon de culture. Peu à peu, des espèces herbacées s’implantent : ce sont les espèces pionnières qui vont aider à rééquilibrer le sol. Petit à petit, une prairie se forme. La grande quantité de graines présentes dans le sol -qui est une véritable caverne d’Ali Baba- aidées des animaux qui déposent leurs déjections sur cet endroit, vont pousser. Des espèces arbustives vont rapidement s’installer. Dans ce cas, plusieurs directions sont possibles : soit une espèce supplante tout et devient ultra envahissante (ronciers, genêts, clématite…), entravant le développement de la forêt, soit des arbres commencent petit à petit à se former, et une forêt voit le jour au bout de de 25-30 ans. La forêt est alors l’aboutissement ultime de la construction naturelle, car elle est un équilibre dynamique idéal pour toutes formes de vie, de la plus petite bactérie aux plus grands cervidés.

En conclusion, la création d’une forêt est un phénomène lent et miraculeux, aboutissant au plus formidable des équilibres sur Terre.

  • S’inspirer de la forêt pour créer des espaces riches en biodiversité et productif

Notion de « Jardin forêt » ou « Forêt comestible »

Je ne souhaite pas ici réexpliquer la création d’un jardin forêt, mais d’en présenter brièvement les grands principes.

Le but du jardin forêt en permaculture est de créer une zone comestible à strates multiples. L’idée est donc de s’inspirer de la formation d’une forêt et installer des arbres, des arbustes, des grimpantes, des plantes vivaces, afin de recréer un modèle de forêt, dans l’objectif de réaliser une production abondante de nourriture. Bien sûr, cette forêt n’aura rien à voir avec une forêt naturelle, mais elle en présentera certaines caractéristiques, comme l’apport d’ombre, de matière végétale en décomposition (au fur et à mesure que la forêt de fruitiers pousse), et donc l’invitation de la biodiversité dans le jardin, à savoir oiseaux, insectes, champignons…

On peut trouver parmi les différentes strates végétales :

la strate canopée (châtaigniers, noisetiers, noyers, caroubiers, autres fruitiers haute tige),
la strate arborée basse (cerisiers, pommiers, poiriers, pêchers, abricotiers, amandiers, figuiers, féviers…),
la strate arbustive (petits fruits rouges, baie de goji, goumi du Japon, cognassiers, feijoa, camérisier* (chèvrefeuille comestible), aronia noir (un autre petit arbuste à petites baies noires),
la strate grimpante (vignes, kiwis, cristophine, passiflores, ipomées, chèvrefeuilles, jasmins, verveine),
la strate herbacée (vivaces et légumes : rhubarbes, épinards fraise, livèche (ou céleri vivace), oseille sanguine, poireau vivace, artichauts…),
et enfin la strate couvre-sol (fraisiers des bois, ail des ours, poireaux sauvages, asperges,  jiaogulan, plantain, pissenlit, pervenche, pourpier d’hiver, pimprenelle..)

Inviter la biodiversité dans son sol pour créer de la fertilité

En forêt, un cycle permanent et dynamique de décomposition de la matière organique a lieu, dont les acteurs majeurs sont les insectes, champignons, bactéries.

Ainsi, en utilisant le paillage, le bois, le BRF, on invite la biodiversité dans nos jardins afin de leur redonner leur plein rôle de décomposeur de la matière organique et de créateurs d’humus. Ces processus sont cependant complexes et les mécanismes et réactions du sol ne seront pas les mêmes d’un lieu à un autre. On peut anticiper certains mécanismes selon la nature du sol et du climat, mais il faut toujours réaliser ses propres expériences à petite échelle dans son jardin, avant de tirer des conclusions générales sur le fonctionnement de son sol.

Autre utilisations possibles de la forêt

Enfin, de multiples utilisations de la forêt sont possibles : faire pousser des champignons sur des souches, débardage (bois de construction et bois de chauffage), cabane dans les bois, lieu de repos, de ressource, d’inspiration, de calme, d’observation de la nature, de récoltes annuelles, et j’en passe !

Quelques définitions

Climax : stade évolutif final en équilibre avec le climat du peuplement végétal naturel d’un lieu

Mycélium : réseau souterrain de filaments blancs très fins appelés hyphes, qui forment le corps du champignon (le sporophyte qui est la partie aérienne du champignon, celle que l’on cueille, est l’organe reproducteur)

Gaël pour les Humus Pays d’OC

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