Générer une terre vivante
Au potager
Bien souvent j’ai observé et aussi pratiqué le potager au jardin de manière « bio », c’est-à-dire :
- Un magnifique potager taillé au cordeau
- Labour au motoculteur
- Apport de fumier de cheval local
- Pas de mauvaises herbes
- Monoculture
- Terre brûlée en surface sans paillage
- Utilisation d’intrant bio (bouillie bordelaise et soufre)
Le bilan est que ce mode opératoire fonctionne très bien avec un très bon rendement et avec assez peu d’efforts physiques.
Sauf que… dans la nature, cela ne se passe pas comme cela : certes il n’y a pas de légumes exubérants de type aubergine, tomate, pomme de terre – ce qui est normal puisqu’ils ont été améliorés par l’être humain à partir de plantes sauvages comestibles. Non, la nature génère des forêts, des prairies autonome, pleines d’abondance.
Il y aurait donc une rupture majeure entre la production naturelle et celle dite « bio »…
Mais alors quelles sont les conséquences de ces méthodes ?
Après études et expertises de ces méthodes par le couple Lydia et Claude Bourguignon, les labours détruisent la vie du sol, les macros nutriments (NPK) apportés par les fumiers vont compenser la perte d’humus généré par le labour mais va aussi déséquilibrer la vie dans le sol. Par conséquent les plantes sont plus fragiles et les produits phytosanitaires sont généralement utilisés. Ces produits phytosanitaires vont également déséquilibrer l’écosystème du sol et autre.
Est-il possible de générer un sol naturel plus équilibré où les plantes potagères prospèreraient ?
Serait-il possible de pouvoir cultiver des légumes en s’inspirant des modèles naturels (ex : forêts primaires, bordure de rivière…) ? Je vais vous faire partager le résultat d’une expérience pleine d’échecs et de réussites qui aboutit à une grande production de légumes en essayant de respecter la vie et l’équilibre du sol. Je ne parlerai pas de règles strictes mais plutôt de principes généraux car les règles strictes ne peuvent que s’appliquer à un lieu précis adapté à une nature du sol particulière (par exemple certains diront qu’en permaculture on n’arrose pas… : chez nous, oublions cette règle !).
Voici les principes que j’ai relevés et qui me paraissent important pour la production de légumes au potager.
Ensuite, j’ai mis en place des techniques avec ce que je trouve sur place :
- Les adventices sont de manière générale compétitifs pour les plantes potagères : j’ai donc limité leur croissance par désherbage manuel et le cas échéant remplacé par des engrais verts qui sont faciles à enlever ou bien par d’autres légumes.
- Mise en place d’un mulch (couverture du sol) pour protéger la terre du soleil, de l’érosion et du vent. Cela augmente la vie du sol et de surface, génère de l’humus, ralentit légèrement les adventices mais en aucun cas n’évite un désherbage.
- Apport de matière morte en surface qui va nourrir la vie du sol (insectes, larves, vers…) pour générer de l’humus.
- Garder un sol toujours humide : effectivement sans eau, la vie n’existe pas. En cas de sécheresse, il me semble indispensable de trouver une ou plusieurs techniques pour avoir un sol humide tout en évitant la salinisation du sol. Pour éviter la salinisation du sol lors des arrosages, le paillage me semble une bonne technique.
- Avoir des vivaces dans le potager pour favoriser la mycorhization (association symbiotique entre un ou plusieurs mycéliums avec un végétal)
- Avoir du bois mort sur la terre : cela nourrit les mycéliums pour favoriser la mycorhization et aussi des insectes favorables au potager.
- Eviter les monocultures : ce modèle n’existe pas dans la nature. La biodiversité va améliorer l’équilibre au potager et diminuera les rééquilibrages de la nature comme les maladies, ravageurs… Dans certains cas il est plus facile de faire des petites zones de monoculture (exemple : les haricots, mâche…) pour ne pas perdre du temps à chercher les légumes partout.
- Avoir un sol non tassé. Cela évite d’avoir un sol asphyxié et de diminuer la vie du sol.
- Gestion des prédateurs, maladies… Dans la nature, tout s’équilibre et ce sans intervention nécessaire de l’homme. Cela est de moins en moins vrai avec les changements climatiques, la pollution et autres : j’observe que la nature a de plus en plus de mal à s’adapter, notamment du fait de la perte de la biodiversité, des abeilles… Personnellement, j’ai accepté de perdre des récoltes, et j’évite certaines cultures mais je laisse généralement les ravageurs, car cela est signe d’un manque d’équilibre. Il m’arrive toutefois, pour augmenter les rendements, d’utiliser des purins de plantes ou de récolter à la main quelques limaces en excès que je donne aux poules.
Voici un exemple d’une plantation de salade d’hiver :
- Enlever le mulch et désherber à la main
- Humidifier massivement le sol sans l’inonder afin de redonner plus de vie dans le sol. En fonction du type de sol, s’il est trop sec ou tassé, le fait de gratter la surface sera suffisant pour faire pénétrer l’eau (opération exceptionnelle car la terre a manqué de soin). En cas de terre morte, un décompactage du sol sera indispensable pour respecter le principe du sol non tassé (cette opération est aussi exceptionnelle suite à une terre qui a manqué de soin).
- Mettre des feuilles à décomposition rapide (ortie, consoude…) en surface de la terre humidifiée pour nourrir la vie du sol.
- Remettre un mulch (avec une épaisseur adaptée à la culture) en incluant la mauvaise herbe en surface de mulch. Pour des repiquages de salades par exemple, je conseille 7 à 10 cm.
- Humidifier le mulch : cela va garder l’humidité plus longtemps en surface du sol et ramollira le mulch pour éviter d’abimer les plantules.
- Le repiquage sera réalisé en faisant un petit puit dans le mulch humide et en surface de la terre. Puis veiller de ne pas laisser la terre autour de la plantule sans mulch.
- Veiller à ce que la terre ne soit jamais sèche.
La conclusion
Après plusieurs années d’expérience, je pense qu’il faut au moins 3 ans avant de commencer à avoir une terre fertile avec un début d’équilibre. Dans la pratique, je déconseille de changer radicalement de mode de culture mais d’apporter plutôt au fur et à mesure de nouvelles pratiques respectant la vie.
La sensibilité, la conscience, un peu d’empathie sont les sentiments que j’ai lorsque je suis au potager.
Damien pour les Humus Pays d’OC